encore et encore des textes d'atelier

Publié le par Les Machines

 

Serrure - Léa Pellerey

 

C’est un bruit anodin, un bruit quotidien

C’est un signal, un déclencheur

C’est un bruit court, un bruit sourd

C’est une attente, un ennui

C’est un bruit qui annonce, un bruit qui rumine

C’est un retour, une arrivée

C’est un bruit qui réunit, un bruit qui relie

C’est un agacement, un grincement

C’est un bruit de jour, un bruit de nuit

C’est un cri, une plaie

C’est un bruit de famille, un bruit d’amour

C’est un roulement de tambour, une sirène

C’est une joie, un soulagement

C’est un bruit qui transpire, un bruit qui use

C’est une transition, une étincelle

C’est un bruit qui ranime, qui évoque

C’est un temps, un espace

C’est un bruit de vie, un bruit qui protège

C’est un rythme, un écho

C’est un bruit qui éloigne, un bruit de fuite

C’est un basculement, un chuchotement

C’est un bruit rituel, une appartenance

C’est un ferraillement, une approche.

 

Chaque soir ce bruit se répète et suspend le temps. Celui de sa vaisselle, sa lecture de mails, la douche qu’elle donne à ses enfants. Ces secondes la rassurent, il est là. Ces secondes l’agace, il est là.

 

Ce bruit est suivi de pas, elle laisse venir. Les pas sont suivis d’un baiser, elle laisse embrasser. Puis elle replonge ses mains dans la mousse, sur son clavier, sur le corps de ses enfants. Ce bruit elle l’attend avec un battement de temps. La nuit surtout.

 

Ce bruit c’est la certitude que sa solitude prend fin. Ce bruit lui rappelle qu’elle manque de courage.

Ce bruit c’est leur histoire, leur témoin, leur complice.

Bientôt, il glissera sa clé dans la serrure et il n’y aura personne pour l’entendre.

Bientôt elle n’aura plus de certitude sur sa solitude.

 


 

Noir pâle - Léa Pellerey

 

Des escaliers larges qui durcissent les cuisses à chaque levée de pied. Tout dévaler en retour, juste en pensées. Se durcir les cuisses encore sans savoir où elles emmènent.

 

Une grande porte d’un appartement bourgeois avec une poignée dorée. Ouvrir la porte lourde et grinçante. Il n’y a pas de lumière, juste le pâle reflet de la lune sur le parquet vitrifié. Ca glisse, ça brille. Se déchausser pour feutrer le pas, à tâtons avancer contre les murs froids. Demi tour sur la moquette. C’est doux. Rebrousser le parquet, glissades feutrées. Contourner les ombres, enjamber les jointures du sol pour atteindre le salon, noir de nuit. Un noir pâle. Déplier un canapé. Ca grince, ça couine. Oter l’un après l’autre les vêtements, sans plus savoir comment. Un corps qui se durcit sans mot. Pas de draps doux sous le dos. L’absence de détails rongés par la nuit et des formes molles. Le froid râpeux du matelas que l’on couvre d’un duvet en plume. On ne sait pas où cela mène, la plume. Ca chauffe le dos, ça pique la fesse. Ca sert à laisser faire. Fermer les yeux pour ne plus voir le plafond. Rouvrir les yeux, pour ne plus sentir le corps. Et ainsi de suite dans la musique inconnue. Oublier le plafond, oublier le corps jusqu’au soleil levant.

 

 

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