nos lits insolites

Publié le par Les Machines

TomTomTomn-2.jpg

 

Kokko dresse une liste de ses lits. Tout d'abord le lit avec les canards. Puis on avait acheté au petit enfant un lit d'adulte taille normale ; sur le fond en contre-plaqué, elle avait dessiné des hommes nus, qui avaient d'énormes organes génitaux traînant par terre et à côté desquels elle avait écrit « Zob Man ». Ces hommes avaient une tête en forme de pénis, un abdomen et des jambes. Tina avait jacassé quand elle avait découvert les dessins et durant les six mois suivants elle les avait montrés à ses amis, un beau jour Kokko en avait eu assez et avait dissimulé les bonshommes sous de gros traits au feutre.

 

Ce lit avait fait le déménagement chez Martti. On était déjà à l'époque du lycée technique quand elle avait eu le lit suivant, dans son logement d'étudiants avec cuisine et salle de bains communes, puis ça avait été le matelas par terre dans l'appartement en sous-sol, puis le lit étroit d'une grand-mère inconnue morte dans son appartement, qui avait été surélevé avec des pieds suffisamment hauts pour que lorsqu'elle voulait se coucher la grand-mère puisse s'asseoir facilement dans le lit, comme sur des toilettes.

 

Son dernier matelas, Kokko ne l'avait pas emporté. Elle avait voulu s'en défaire. Rolle y avait dormi trop souvent, environ quinze heures par jour. Des cheveux de Rolle étaient restés collés au matelas et quand Kokko les détachait en les prenant entre les doigts, elle ne pouvait s'empêcher de les sentir ; ils sentaient cet homme, qui était amusant, ou au moins passablement amusant, mais, elle ne savait pas pourquoi, l'équation qu'ils formaient était devenue une soustraction, rien n'avait marché, ça n'avait pas donné de résultat positif.

 

À ces lits s'ajoutaient divers lits d'hôtel, des matelas, matelas d'amis, d'hommes et de femmes inconnus, compartiments de voitures-lits, cabines de bateau, d'aspect, de dureté et d'odeur variables. Et puis il y avait les nuits dormies sur un matelas pneumatique glissant et qui fait transpirer, les nuits sur les gradins d'un sauna, sur un plancher nu, sur une véranda, sous la tente et dans les lits superposés d'une auberge de jeunesse, un tas de gens qui ne se connaissent pas allongés en couches successives, comme les gens d'un immeuble à étages, les uns sur les autres derrière des murs différents. Un immeuble à étages, c'est comme un grand lit superposé, mais dans la maison de Tom, elle est seule. Pas d'odeur de respiration de quelqu'un d'autre.

 

 

 

Riikka Ala-Harja, Tom Tom Tom,
Gaïa, collection taille unique,
2003, p.120-121, 227 p.

 

(cliquez sur les 10 mots qui changent de couleur sous la souris !) 



Publié dans Littérature envie !

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article